Matière à réflexion : 2. Comment la matière a-t-elle pu devenir vivante ?
- F. Brice Dupuy
- 10 févr.
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Il a fallu des milliards d’années pour que l’ordre ou l’entropie négative puisse faire naître du vide empli de champs quantiques et chaotiques … ces organisations de simples turbulences appelées matière : atomes, molécules, puis terre, poussière, eau, air et feu. Par la suite (c’est-à-dire des centaines de millions d’années plus tard), la néguentropie poursuivit son œuvre : la matière devint vivante. Selon la thèse officielle et évolutionniste, des centaines de milliards de particules de matière ont été assemblées selon une structure encore plus complexe pour former la première cellule, et ainsi faire naître la vie.
Même si les codes néguentropiques portant la vie sont connus – ils sont codés dans les génomes -, nous pouvons nous demander sous l’impulsion de quelle énergie, par quel heureux hasard, ces milliards d’éléments ont pu s’agréger en une fois, incarnant ainsi la grammaire de l’ADN et ses quatre lettres nucléotidiques[1] A, C, G et T. L’ordonnancement de ces centaines de milliards d'atomes peut-il relever du hasard ?
« Selon l’équipe dirigée par l’éminent mathématicien et physicien Fred Hoyle, la probabilité qu’une simple cellule composée de seulement 3000 protéines (une amibe) puisse se former au hasard est de 1/1040000. C’est un chiffre si petit qu’il est impossible de l’imaginer ; il suffit de dire que la probabilité que deux personnes extraient au hasard le même atome parmi tous ceux présents dans l’Univers est immensément plus élevée. »[2]
Bien-sûr les travaux du prix Nobel de chimie, Ilya Prigogine, ont apporté quelques éléments de réponse : il existe certaines situations dans lesquelles des structures de matière peuvent se maintenir, loin de leur état d’équilibre (c’est-à-dire loin de l’état où leurs molécules sont réparties de façon homogène), en échangeant ou en dissipant de l’énergie avec leur environnement. Mais si l’apport des ‘structures dissipatives’ par Prigogine était nécessaire, il n’est pas suffisant.
Ainsi, par une mystérieuse (al)chimie, cet assemblage titanesque de matière, au départ inerte, aurait fait naître une membrane séparant un milieu intérieur d’un milieu extérieur, une capacité de croissance par métabolisme de molécules extérieures, et une capacité pour la cellule de se diviser, et donc de proliférer. Par hasard, serait apparu un programme génétique consistant à ne pas être recopié exactement à l’identique lors de la division des cellules, permettant alors une diversité biologique. Par hasard…
De telles cellules sont chacune composées de cent mille milliards d’atomes, et leurs dimensions sont de l’ordre de dix à cent micromètres, un micromètre correspondant à l’épaisseur d’une bille de savon. La densité du vide restant la même, une cellule ressemble à un filet à grandes mailles, baignant dans une mer de champs de tous types. Nous en possédons entre quatre-vingts et cent milliards dans notre cerveau, deux cents d’entre eux pouvant suffire pour constituer par exemple l’image mentale d’un visage. Belle machinerie en carbone …
Depuis le dix-neuvième siècle de l’ère vulgaire, nous essayons de nous persuader que la vie n’est que le résultat de ces rencontres au hasard, au sein de la matière. Ce n’est sans doute pas aussi simple…
« Nous défendons la science évolutionniste en dépit de l’absurdité évidente de certaines de ses affirmations, en dépit du fait qu’elle ne parvient pas à réaliser nombre de ses promesses extravagantes sur la santé et la vie, en dépit de la tolérance de la communauté scientifique à l’égard de fables non vérifiées, parce que nous avons un engagement a priori, un engagement matérialiste. »[3]
Depuis, est-ce que nous, êtres humains, avons vu la matière (par exemple un proton) naître de l’assemblage de particules élémentaires (par exemple trois quarks), dans un collisionneur ou dans une étoile ? Non, jamais ! Avons-nous déjà vu la vie naître de la non-vie ? Jamais non plus… Nous observons la vie donner naissance à la vie.
Qui plus est, cette cellule vivante primordiale aurait évolué pour donner naissance aussi bien à des amibes, qu’à des insectes ou des mammifères. Les mutations au hasard et la sélection naturelle auraient permis autant les microévolutions (par exemple l'acquisition d'une résistance aux antibiotiques par la bactérie) que les macroévolutions (par exemple l’apparition de la carapace des tortues ou des ailes chez les vertébrés).
Si la capacité des organismes à s’adapter en modifiant plus ou moins leurs caractéristiques est certaine et explicable par la théorie de l’évolution de Darwin, la macroévolution est loin de l’être. Or pour que les organismes des espèces vivantes d’aujourd’hui parviennent à leur actuelle et efficace complexité, il a fallu plus que des microévolutions. Dans les premières pages de ‘Kosmogonie’, Vahe Zartarian développe plusieurs exemples spectaculaires d’évolutions que seules les mutations génétiques apparaissant par hasard puis sélectionnées par la nature ne peuvent pas expliquer :
« Lorsque la chenille d’Hemeroplanes triptolemus se sent menacée, elle transforme son corps pour le faire ressembler à celui d’un serpent, et elle adopte même des attitudes dignes d’un serpent avec balancements de tête et simulation d’attaques.
– Le papillon Siamusotima aranea a une araignée dessinée sur ses ailes déployées, sans doute pour effrayer d’éventuels prédateurs.
– Les oisillons de l’aulia cendré (Laniocera hypopyrra), un passereau de la forêt amazonienne, imitent une chenille de la famille des Megalopygidae, une bien grosse (une douzaine de centimètres), pas ragoutante du tout avec ses longs poils orange vif, et même carrément toxique.
– L’orchidée-marteau recourt aux services de la guêpe thynnidée pour se faire féconder. Le cycle de vie de la guêpe est tellement bizarre que l’orchidée a inventé un dispositif encore plus bizarre pour contraindre un mâle à s’accoupler avec elle. Elle a conçu un leurre de la guêpe femelle imitant jusqu’à l’odeur qu’elle sécrète pour attirer le mâle, et l’a disposé au bout d’un bras articulé. Voici donc un mâle qui pique sur ce leurre ; croyant tenir une femelle, il bat des ailes pour redécoller avec elle ; à cause du bras articulé, il se met à décrire un arc de cercle et vient cogner une sorte d’enclume qui contient des sacs de pollen et un stigmate. Et voilà, mission accomplie, l’orchidée est parvenue à se faire féconder !
– La liane Boquila trifoliata a la capacité unique de modifier ses feuilles pour les rendre semblables à celles de l’arbre auquel elle s’accroche. Elle est ainsi capable d’imiter une douzaine d’arbres différents. Encore plus remarquable, un même individu qui pousse sur plusieurs arbres d’espèces différentes va modifier localement ses feuilles pour les adapter à chaque hôte. »
Il ressort de ces exemples (et de beaucoup d’autres) que certaines formes d’organismes vivants ne sont pas de simples assemblages de matière (devenue ‘organique’), façonnés par des forces physico-chimiques respectant les lois de la néguentropie, mais qu’elles doivent avoir un sens pour les entités qui les perçoivent. Ces formes manifestent un savoir-faire permettant à la matière du dehors de se conformer à leurs ‘intentions’ du dedans.
L’honnêteté intellectuelle et scientifique exigerait de prendre davantage de précautions vis-à-vis de formulations quasi-dogmatiques comme ‘la matière est première’ ou ici ‘l'évolution peut permettre, sur des échelles de temps plus ou moins longues, l'apparition de nouvelles espèces comme la disparition d'autres. Ceci, à travers différents phénomènes dont la sélection naturelle.’
Enfin, le hasard et la nécessité auraient aussi présidé à la naissance des systèmes nerveux, et de celui de l’être humain en particulier. La matière du dehors aurait alors permis la naissance d’un dedans[4]. En réalité, la genèse et l’évolution du système nerveux ont débuté avec l'apparition des premiers systèmes nerveux chez les métazoaires[5]. Ces cellules spécialisées dans la signalisation électrique (ou neurones) apparurent chez les animaux multicellulaires, en conservant le mécanisme des potentiels d'action déjà présents chez des cellules unicellulaires mobiles et des colonies d'eucaryotes. Heureuse évolution qui aurait permis à ces assemblages de neurones de générer une autre substance, restée elle bien mystérieuse : l’esprit ou la res cogitans selon René Descartes.
Ainsi, toujours selon l’orthodoxie scientifique, de l’évolution complexe et structurelle de la matière serait né l’esprit, comme Eve (les pensées) serait née à partir d’une côte d’Adam (les particules). La messe est dite !
Et comme la nature est bien faite, elle a toujours favorisé les formes de vie les plus adaptées à leur environnement du moment. Ce sont donc le hasard et la nécessité qui ont sélectionné chez nos lointains ancêtres, appartenant à une famille bien antérieure à celle des homininés, l’évolution de la matière en un précieux lobe temporal, dont la fonction a été de stocker certaines productions de l’esprit. Avant cette sélection, le cerveau des individus de l’espèce ne mémorisait pas la forme ni le danger que représentait par exemple une Panthera palaeosinensis ; seuls les individus dont le système nerveux en était pourvu ont survécu et pu engendrer une descendance.
Tout ceci résulterait donc d'une très longue série d’évolutions, cosmiques d’abord, minérales ensuite, au sein du vivant enfin. Et l’issue implacable dont nous profitons aujourd’hui est là, évidente :
De la matière serait né l’esprit. Au fil de ces milliards d’années, des particules invisibles ont pu s’assembler, selon des schémas toujours plus complexes, rendant possible, in fine, la génération de pensées, puis la mémorisation des images produites. A partir du dehors (en lettres italiques, toujours) serait né un dedans (en lettres romanes). Gardons le mode conditionnel…
A-t-on vu de la matière naître de ces particules élémentaires ? Non, jamais ! A-t-on vu la vie naître de la non-vie ? Jamais non plus. A-t-on vu des pensées naître d’une structure matérielle équivalente à notre cerveau ? Non, jamais…
Houston, nous avons un problème !
[1] Adénine, Cytosine, Guanine et Thymine
[2] Christian Peluffo, ‘Einstein ne croyait pas en Darwin’, 2022.
[3] Richard Lewontin, ‘Billions and billions of demons’, 1997.
[4] Maintenons les lettres italiques pour ce qui reste des concepts et des lettres romanes pour ce qui est réel.
[5] Des organismes pluricellulaires (c’est-à-dire constitués de multiples cellules différenciées qui peuvent former des tissus), eucaryotes (leurs cellules ont un noyau ainsi que d'autres organites comme les mitochondries), et hétérotrophes (c'est-à-dire se nourrissant de matière organique).
Je réagis à : "l’ordre ou l’entropie négative".
Je crois qu'il y a eu une sorte de malentendu au sujet de l'entropie quand on l'a associé au désordre. Je pense que la bonne association concernant la loi de l'entropie n'est pas l'accroissement du désordre, mais de l'imprévisibilité d'un système.
Dans cette logique, il n'y a plus de contradiction entre l'apparition de la vie et la croissance de l'entropie, car la vie accroît l'imprévisibilité du monde...
Voilà ce que j'ai écrit à ce sujet dans mon livre, Les Radeaux de feu (publié en 2013) :
"Ce n’est pas le désordre qui croît, mais l’imprévisibilité
« J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver : combien ma représentation est pauvre,…