Philosophie: la catastrophe ou la vie
- F. Brice Dupuy
- 24 juin 2021
- 2 min de lecture
Cher Jean-Pierre Dupuy,
Je viens de lire le chapitre de votre dernier ouvrage. Merci, il fallait que cela soit dit, enfin !!!
Qu'un intellectuel aussi brillant que vous prenne la plume pour défendre la vie 'biologique' et pourfendre l'illusoire projet transhumaniste et NBIC de l'homme ... fait du bien au coeur et à l'esprit; vous avez une véritable culture scientifique contemporaine et avez vraiment réfléchi au sujet (en tant qu'épistémologue et philosophe).
Par contre, que vous laissiez à penser que les jeux sont faits ("ils tirent sur le corbillard"; "nous sommes peut-être très proches de ce moment"...) me chagrine, ne me convainc pas.
Du coup, j'ai comme l'impression que vous vous êtes arrêté dans la démonstration. Mais faute de quoi ? Je résume votre raisonnement (auquel j'adhère et auquel je suis aussi arrivé, par d'autres biais):
i) il ne faut pas confondre l'ordre issu du bruit et la complexité issu du bruit. Très bien. Francisco Varela, F. Hayek, Nassim Taleb réunis ... L'ordre issu du vide, du bruit, c'est la néguentropie, l'observation quantique... Mais la complexité issue du vide, il faut autre chose, et la théorie de l'émergence est ce qui a de mieux actuellement pour tenter de modéliser ce phénomène. "Le hasard fait émerger un type de nécessité qui n'est tel que pour un regard a posteriori". Out, exit Jacques Monod.
ii) Or la vie 'biologique' n'est pas due à l'ordre issu du bruit, ni aux seuls hasard et nécessité de Monod. Ce principe seul est incapable de rendre compte de la diversité du monde et de la 'finalité interne' qui semble la sous-tendre. "Nous avons donc besoin de quelque chose comme le principe de complexité" à partir du vide (qu'il appelle le bruit).
iii) Il a été prouvé, mais vous n'en parlez pas, qu'un certain niveau de complexité sort des capacités de compréhension, et donc de mimétisme, de l'esprit humain. C'est Gödel avec son fameux théorème sur l'incertitude et la cohérence, et c'est la théorie de la complexité, avec ces problèmes dits Non Polynomiaux ou NP (P = NP?) que la cybernétique, les NBICs n'arriveront pas, selon moi, à modéliser, à répliquer ...
Du coup, si le point iii est vérifié, si P /= NP, le design de la vie ex nihilo par l'homme ne sera jamais complet et certain non plus. Il ne réussira pas à reproduire l'émergence de la complexité que la Nature a réussie à faire naître. Et vous le dites: "il y a beaucoup trop d'information dans les organisations que nous présente la nature, pour qu'un esprit ait pu les concevoir" .
Pourquoi ne vous aventurez-vous pas sur ce chemin scientifique, pourtant bien balisé maintenant?
D'autant que la recherche et la philosophie des sciences se sont tournées depuis quelque temps vers une théorie qui permettrait d'appréhender cette question: integrated information theory, unified theory of information; digital philosophy... (j'ai édité à compte d'auteur un ouvrage à ce sujet...)
Quelque chose me chagrine, m'interpelle: pourquoi vous être arrêté en si bon chemin?
Je vais poursuivre ma lecture de votre dernier ouvrage !!!
Vous remerciant à nouveau et très sincèrement,

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