Essai "Descartes 3.0": 1ère Méditation Métaphysique
- F. Brice Dupuy
- 8 sept. 2020
- 26 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 févr. 2021
1ère Méditation: ‘Suis-je bien informé?’
« Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations
que j’ai faites; car elles sont si métaphysiques et si peu communes,
qu’elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde»
- René Descartes

Vous semblez vouloir poursuivre… Bien ! Ainsi vous commenciez aussi à vous demander: « Qui suis-je ? Où vais-je? Ai-je un destin ? Y a-t-il une vie après la vie? » Alors ce qui va suivre est bien pour vous, malgré ce que le titre de cette première méditation pourrait laisser penser.
Avant de chercher à savoir qui vous êtes, où vous allez, il faut que vous sachiez si vous êtes bien in- formé(e) (intellectuellement bien-sûr). C’est l’in-formation qui vous in-forme, qui forme quelque chose dans votre esprit, dans votre mémoire, dans votre monde intérieur. Alors êtes-vous bien formé(e) à vous informer bien?
Si vous êtes originaire d’un pays de l’Occident, c’est-à-dire de la zone sur cette planète qui a vu naître les trois religions monothéistes et la démocratie, vous êtes alors familier avec l'anthropologie ternaire fondamentale: corps, âme, esprit. « Qui suis-je? – Je suis dans un corps (physique et sensible), je possède une âme et je m’élève par l’esprit. » Mais aujourd’hui, au XXIème siècle, 3ème millénaire, une telle réponse vous convient à moitié ou au deux-tiers, dans la mesure où votre corps ne vous est évidemment pas étranger (réponse un tiers satisfaisante), votre esprit est probablement ce qui vous permet de penser (deuxième tiers de satisfaction) mais l’âme vous semble une réminiscence, un ‘souvenir à la tonalité affective’ que nous ont laissés nos ancêtres de la Grèce Antique puis plus récemment du siècle des Lumières. De toute façon, depuis notre René Descartes 1.0, les occidentaux ne parlent plus que de corps et d’esprit; la mort dans l’âme, ils sont dualistes[1]. Plus de vague à l’âme. Aux orties, la beauté d’âme.
René Descartes, vu par Baillet.
Joachim Descartes Seigneur de Kerleau fut reçeu conseiller au parlement de Bretagne le Xxx jour de may de l’an 1648 et par contract signé le premier jour de l’année 1656 il épousa Dame Marie Porrée du Parcq fille de Messire Nicolas Porrée Du Parcq conseiller au même parlement, et de Dame Julienne du Guesclin, de la famille du fameux Bertrand connétable de France.
Le troisiéme des enfans de Joachim, et le dernier de ceux que luy donna Jeanne Brochard sa première femme, fut René Descartes nôtre philosophe, qui s’est vû obligé de porter la qualité de Seigneur du Perron malgré la fermeté avec laquelle il a toûjours refusé toutes sortes de titres. C’est sur l’exactitude de ce détail que l’on pourra redresser l’opinion de ceux qui en ont écrit autrement, et qui ont publié qu’il étoit l’unique enfant du second lit.
Si donc vous êtes originaire d’un pays de l’Occident, il y a des chances pour que vous ayez grandi avec un enseignement laïc (l’âme-usée) et cartésien (l’âme-à-tiers). Aux trois questions existentielles ‘D'où viens-je, qui suis-je, où vais-je?’ vous préférerez probablement[2] répondre que vous n’êtes que matière, que l’esprit nait de la matière et que tout disparaît à votre mort, la décomposition du corps physique entraînant l’extinction des feux spirituels (si vous en aviez). Point final, sans retour à la ligne.
Vous n’êtes évidemment pas à blâmer: c’est ce qui vous a été enseigné et ce qui l’est peut-être encore, quatre-cents ans après les méditations de René Descartes, et plus de cent ans après la mort[3] de Dieu. « Vous êtes matière, l’Univers est matière, la technologie n’est que matière, tout est matière » Matière à douter… A l’inverse vous seriez à blâmer si vous avez étudié la philosophie dans votre dix-huitième année et que vous vous rangeriez parmi les cartésiens (encore Descartes)! Parce qu’en philosophie, vous avez normalement appris qu’être cartésien signifie une chose avant tout: faire table rase, douter, mettre en doute pour que, peut-être, une certitude, essentielle, émerge de ce qui reste.
Cherchant à refonder entièrement la connaissance, René Descartes souhaitait trouver ainsi un fondement solide, absolument certain. Cette recherche l'amena à la conclusion que seule sa propre existence, en tant que chose qui pense (res cogitans) est certaine au départ. C'est cette découverte qu'il exprima dans le cogito ergo sum (je pense donc je suis). Indépendamment des formulations, le cogito constitue un élément majeur de la pensée cartésienne. Il est une certitude à partir de laquelle Descartes a tenté de refonder toute la connaissance. Le cogito contient aussi une intuition qui ne se résume pas à la seule déduction logique.
Alors, êtes-vous bien in-formé(e)? Prenez-vous aussi le temps de douter, de remettre en cause des soi-disant certitudes qui n’ont peut-être aucun fondement autre que la fidélité à ce qui vous a été transmis, ou l’attachement à des dogmes? D’ailleurs avez-vous appris à douter? Est-ce que, selon vous, la Terre est plate et notre système géocentrique ? Vous n’avez pas de temps pour vous ; est-il possible d'échapper au temps ? Le travail divise-t-il les hommes ? Reconnaître vos devoirs, est-ce renoncer à votre liberté ? René Descartes était-il né à Paris, rue d’Assas, au collège royal de la Flèche ou à la Haye-en-Touraine ? Etes-vous corps et esprit ou avez-vous aussi une âme ?
Vous êtes corps et esprit, pensez-vous ? Selon votre entourage et l’enseignement reçu, vous êtes avant tout matière, poussière d’étoiles. Savez-vous justement de quoi doutent les scientifiques contemporains, héritiers de Messieurs Bohr, Einstein, Heisenberg, Pauli, Planck et Schrödinger? Ils doutent de la véritable nature de ce qui constitue notre Univers, ils doutent de la nature de la matière ! Non seulement, celle-ci a perdu un peu de son aura lorsque les savants ont découvert la dualité onde-particule[4], mais elle perd maintenant jusqu’à son essence même. « La matière n’existe pas, annoncent-ils, tout comme l’espace et le temps. »
Qui plus est, nous savons maintenant que notre Univers observable, le système solaire, le règne minéral, les espèces végétales et animales, tout n’est constitué que de 5% seulement de cette matière ‘normale’ (dont la nature même a été questionnée plus haut), de 27% de ce qui est appelé ‘matière noire’ et de 68% d’énergie noire, l’énergie qui explique pourquoi l’expansion de l’Univers est en accélération[5].
Mais ? Mais ? Mais de quoi êtes-vous constitué(e) alors ? D’ondes, de vibrations et de vide, de matière noire et d’énergie noire? - Exactement … Le tout organisé grâce à, et véhiculant de l’information.
C’est déstabilisant, n’est-ce pas ? Evidemment, si dès les premières pages vous apprenez que la matière n’est pas, que votre corps n’est qu’organisation complexe et hiérarchisée d’un nombre incroyablement grand de petites vibrations et de résonances entre elles, les 95% restants étant invisibles à vos yeux …
… vous allez soit abandonner la lecture, dépité ou meurtri dans votre chair, soit poser cet ouvrage quelque temps (histoire de vérifier avec votre moteur de recherche favori), soit poursuivre en vous promettant de trouver la faille !
Pendant ce petit temps de recherche sur votre moteur de recherche éco-responsable, et en soutien de votre réflexion, nous vous proposons d’accueillir la pensée de Kierkegaard :
Søren Aabye Kierkegaard (1813-1855)
« Il y a deux façons de se leurrer. La première c’est de croire ce qui n’est pas vrai ; la seconde c’est de refuser de croire ce qui est vrai. »
Poursuivez-vous ? Quel courage, quelle force d’âme ! Baptiste Morizot rajouterait[6]: «comment s’est logé un tel continent de courage dans quelques grammes d’esprit?»
Donc, la matière dite normale n’existe pas véritablement. Ces 5% de votre corps sont en fait formés de petites vibrations, organisées en structures atomiques ou moléculaires, lesquelles sont agencées en protéines, acides aminés, enzymes, brins d’ADN, etc. Et les 95% restant ? On ne sait pas trop, c’est encore assez sombre[7] pour tout dire! Ce sont 95% de nuances de gris peut-être…
Ainsi vous (votre esprit) êtes maintenant informé(e) que vous (votre corps) êtes ‘bien’ formé(e) pour seulement 5%. Vous suivez ? Vous connaissez peut-être les sculptures de Bruno Catalano (à gauche) ou d’Edoardo TRESOLDI (à droite)
Ils ont tout compris ! Si vous aviez les yeux idoines, capables de zoomer à l’échelle de l’ångström, et la capacité de traitement de l’information visuelle adaptée, vous vous verriez dans le miroir davantage comme une statue du jeune Italien Edoardo que comme celle du penseur de Rodin. Votre corps est plein … de vide !
Et les 5% de soi-disant matière qui le constituent, les nœuds de votre corps grillagé, ne tiennent debout que grâce des liaisons chimiques entre atomes – je te prête un électron, tu m’en prêtes un et ainsi nous formons une première liaison covalente. Nous verrons qu’une liaison chimique n’est que le renforcement d’un réseau d’informations.
Alors peu importent ces ridicules 5%. Votre corps tient grâce à l’information correspondant à l’agencement de vos milliards de milliards d’atomes, à l’ordre quasi-cristallin que la vie vous a donné et qui fait que vous – vivant - n’êtes pas juste de la poussière d’étoiles désorganisée et inerte.
De l’information…
Qu’est-ce que l’information ?
Le mot est jeté: information. « Parlons-nous de la même chose, demanderez-vous alors? L’information, c’est ce que me donnent les chaînes ou les sites d’information, comme Mediapart (site d'information indépendant lancé par Edwy Plenel), France 24, TV5Monde, BFMTV, et autres diffuseurs d’actualités en continu !
- Disons que ces sites et chaînes vous délivrent les nouvelles du jour, l’actualité nationale ou mondiale, des faits divers, des résultats sportifs. C’est de l’information particulièrement ciblée (sur l’actualité dans le monde, les ragots du jour, les bons mots d’un tel ou d’une telle pour faire parler de lui ou d’elle). Mais est-ce de l’information qui vous aide à vous former (in-former)? - Non… Est-ce que la signification qu’elle porte est d’ordre sociétal, scientifique, philosophique, humaniste ? – Parfois, heureusement. - S’agit-il de culture générale ou de propos venant d’un ego surdimensionné, starifié, iconifié ? – Les deux. - Humm…. »
Ici, vous l’avez compris, l’information est ce qui vous aide à vous in-former, c’est-à-dire à former votre monde intérieur (esprit) autant que votre enveloppe extérieure (corps). Nous verrons plus loin néanmoins que tout enchaînement de lettres, d’espaces, de caractères, de symboles, d’images correctement agencés du point de vue de la syntaxe associée, ne devient pas systématiquement ‘information’. L’énoncé obtenu doit être observé, interprété, associé à une signification, pour prétendre être ou devenir informationnel.
Prenez par exemple la succession de caractères suivants : "Allo, non mais allo, quoi?». Déjà, l’énoncé est syntaxiquement questionnable. Mais a-t-il été associé à une signification quand il a été formulé? Nous pouvons en douter. Cette succession de caractères n’a pas valeur d’information. C’est tout au plus du babélisme, du bafouillage, du baragouinage, du bredouillage, une cacographie, un galimatias, du jargon, un pataquès, un sabir, un tortillage, un amphigouri !
Prenez maintenant la succession de lettres E - U - R - E - K – A. L’enchaînement correspond à un mot grec, signifiant ‘J’ai trouvé’ et, selon la légende, l’énoncé aurait été observé, interprété par le savant grec Archimède au moment où il comprit les lois qui régissent la poussée que les objets subissent, selon leur densité, quand ils sont plongés dans l'eau ou tout autre liquide, ce qu'on appelle la poussée d’Archimède. Cet énoncé – information a bien une signification, maintenue dans la mémoire collective.
René Du Perron, Cartesius, Descartes: énoncé ou information?
Il fut nommé René par son prémier parrain, et il fut arrêté dans la famille qu’il porteroit le surnom Du Perron, qui étoit une petite seigneurie appartenante à ses parens, et située dans le Poitou. Ce ne fut pas un titre vain pour lui. La terre Du Perron lui fut donnée dans la suitte des temps pour son partage, lorsqu’il fut en état de la posséder. Il en retint le nom jusqu’à la fin de ses jours, nonobstant la vente qu’il fit de cette terre, peu d’années aprés l’avoir reçeuë en propre.
Mais il paroît que ce surnom n’a été d’usage que pour les personnes de sa famille où il étoit question de le distinguer de son aîné. Il n’a presque jamais servi à le faire connoître hors de sa parenté et hors du collége. Il reprit le surnom de Descartes lors qu’il quitta la maison de son pére : et les etrangers parmi lesquels il se trouva engagé d’habitudes, ne tardérent pas à le tourner en Cartesius. Cette maniere de changer les noms en latin, tant par le retranchement de l’article des langues vulgaires, que par la terminaison éloignée des manieres de les prononcer, étoit assez ordinaire parmi les gens de lettres pour empêcher que personne en fut surpris. Il fut peut-être le seul qui voulut y trouver à redire, jugeant qu’il étoit du devoir d’un enfant de famille de ne pas laisser altérer ou corrompre un nom qui lui auroit été scrupuleusement conservé par ses ancêtres.
Tout énoncé ou enchaînement de symboles ne devient pas systématiquement information. Vous connaissez aussi, probablement, ce dialogue entre Socrate et un homme qui, un jour, vint le trouver :
- Ecoute, Socrate, il faut que je te raconte comment ton ami s’est conduit.
- Je t’arrête tout de suite, répondit Socrate. As-tu songé à passer ce que tu as à me dire au travers des trois tamis?
Et comme l’homme le regardait rempli d’étonnement, l’homme sage ajouta :
- Oui, avant de parler, il faut toujours passer ce qu’on a à dire au travers des trois tamis. Voyons un peu ! Le premier tamis est celui de la vérité. As-tu vérifié si tout ce que tu veux me raconter est vrai?
- Non, je l’ai entendu raconter et...
- Bien, bien. Mais je suppose que tu l’as au moins fait passer au travers du deuxième tamis, qui est celui de la bonté. Ce que tu désires me raconter, si ce n’est pas tout à fait vrai, est-ce au moins quelque chose de bon?
L’homme hésita puis répondit :
- Non, ce n’est malheureusement pas quelque chose de bon, au contraire...
- Hum ! dit le Sage, essayons de nous servir du troisième tamis, et voyons s’il est utile de me raconter ce que tu as envie de me dire...
- Utile ? Pas précisément...
- Alors, n’en parlons plus ! dit Socrate en souriant. Si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir, et quant à toi, je te conseille de l’oublier...
L’énoncé de cet homme est resté sans suite, errant puis s’évanouissant dans les connexions neuronales de son hôte. Il n’a pas reçu l’attention d’une faculté de conscience, ni de signification propre à sa formulation. Tout comme Socrate, si ce qu’une personne ou une chaîne dite d’information désire vous communiquer n’est ni vrai, ni bon, ni utile, vous préférez aussi ne pas le savoir (personnellement, j’ai éteint le poste de télévision !). Selon la définition que nous reprendrons ici, l’information doit in-former; elle a du sens, elle aide aussi à maintenir une signification dans les consciences individuelles et collectives.
Autant vous dire que ce que l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) et le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) ont publié dans leur rapport de 220 pages[8] sur ‘la manipulation de l’information’ … sort du champ de nos méditations 3.0 ! L’information dont il sera question ici a par définition du sens pour tout esprit bien formé. Si l’enchaînement de caractères en question vise à vous mani-puler, c’est-à-dire à vous conduire par la main dans une direction précise, c’est tout sauf de l’in-formation. L’énoncé ne vous forme pas, il vous déforme.
Le rapport indique qu’ils se proposent de faire un état de l’art sur les manipulations de l’information à des fins d’ingérence. Partant du constat que les manipulations de l’information sont aussi vielles que l’information elle-même, les auteurs constatent que l’ère du numérique et la diffusion instantanée des informations en décuplent les effets. Dès lors les manipulations deviennent un enjeu majeur pour nos démocraties en particulier dans le contexte de crise de confiance qu’elles traversent. Ce rapport prend le biais assumé de ne traiter que des ingérences c’est-à-dire des manipulations de l’information cumulant trois critères : une campagne coordonnée de diffusion de nouvelles fausses ou sciemment déformées, avec l’intention politique de nuire. Les ingérences étant d’origine étatique et ciblant les populations d’un autre état. Le rapport prend soin de ne pas utiliser le terme de « fake news » tant l’expression est galvaudée et sa définition trop vague.
Ah la guerre de la soi-disant information qui n’en est pas ou qui n’en est plus… Que d’enjeux associés, économiques ou politiques, qui ont d’ailleurs amené des milliardaires de pays même démocratiques à faire main basse sur les plus grands média.
L’enjeu ici est tout autre et bien plus primordial, bien plus essentiel, parce que de nature ontologique[9] et métaphysique. Il se pourrait que votre Réalité, à la fois votre expérience de vie, l’univers qui vous héberge, votre esprit, soit de l’information. Rien que de l’information. Méditons ensemble métaphysiquement (c’est bien l’objectif, non ?): qu’est-ce que ça signifierait? Quels domaines de savoir scientifique et de croyance s’en trouveraient impactés ? Mais qu’est-ce donc que l’information dans ce cadre-ci, ici (et d’ailleurs dans toutes les récentes théories[10] de l’information)?
Devant cette question, vous pourriez être un peu comme Saint Augustin lorsqu’il se penchait sur la notion de ‘temps’ : «Qu'est-ce donc que le temps? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas!»
Allez, voyons cela ensemble. Pour commencer, prenons une définition simple et objective de l’information, reprise des travaux de l’institut américain QGR:
Définition #1 L’information est le sens associé à un énoncé encodé à partir de signes & symboles. Klee Irwin (QGR): « Information is meaning conveyed by symbolism »;
Peu de mots forment cet énoncé, mais tous y sont importants : à partir d’un jeu de signes et symboles constituant un ‘alphabet’ au sens large, vous pouvez constituer un énoncé, une ‘phrase’ ou une ‘proposition’ selon la grammaire française : « E U R E K A !», «Non mais allo quoi ?», « 1 + 3 = 4 », « L’information est le sens… », « cogito ergo sum », « #do #ré #mi #fa #sol » …
Et l’énoncé devient information si (et seulement si) un sens, une signification lui sont associés. Prenez par exemple l’énoncé ci-dessous codé en signes de la main
ou celui en code binaire[11] (ce qui est parfois appelé la base 2) ou celui élaboré avec un jeu d’allumettes :
Ces énoncés deviennent information quand vous les associez au sens ‘je compte jusqu’à 5’. Et la signification est universelle : vous prenez une unité de quelque chose, à laquelle vous rajoutez une autre unité, puis une autre, puis une autre, puis une dernière. Comme les cinq doigts de la main.
Poursuivons avec un énoncé, pictural cette fois, comme
que vous pouvez coder en succession de lettres de l’alphabet (A R B R E), avec un assemblage d’allumettes ou en langage des signes.
Le sens de l’énoncé ‘ARBRE’ est celui que vous apprenez tout petit quand vous découvrez ces majestueux érables, chênes, et autres frênes, dans votre jardin, dans les bois, dans un bosquet urbain.
En troisième exemple, si vous souhaitez formuler l’énoncé ‘Je t’aime’, vous pouvez vouloir l’exprimer en offrant un cœur en peluche, ou en inscrivant un graffiti ‘F + C’ quelque part, ou en apportant des roses rouges (et avec bien d’autres moyens plus originaux, plus personnels).
Enfin, si vous recevez un énoncé avec l’un des emoji ci-dessous, vous interprétez très vite ce que l’expéditeur a voulu signifier !
Quelques emoji
Primo, ce que vous retenez probablement de ces quatre premiers exemples, c’est qu’il faut un langage pour encoder l’information :
· les lettres d’un alphabet et une syntaxe, caractérisant une langue (vernaculaire)
· des chiffres et des opérations (addition, soustraction, division)
· le langage des signes
· le langage pictural (de la peinture, des allumettes, de l’encre de chine, les emoji)
· le langage mathématique (algèbre, géométrie, trigonométrie, …)
· le langage de programmation d’un logiciel (C++, Java, Python, …)
· le code binaire (une suite de ‘0’ et de ‘1’)
· les codes QR
· le solfège avec ses notes de musique, les temps (blanche, noire, croche, silence,…), la mesure (2/4, 3/4 ou 4/4) et le tempo
· le langage des oiseaux[12]
Information : un format sion…
Langage : langue gage
Réalité : Rê alitée
Deuxio, vous avez compris qu’une même information peut être encodée en un nombre (n) d’énoncés selon différents langages, dans une relation (1 information pour n énoncés). Et le sens de ces n énoncés restera le même: celui correspondant à l’information encodée.
« un plus un plus un plus un plus un égalent cinq »
« 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 5 »
« Ceci est une sphère de rayon r »
« x2 + y2 + z2 = r2 »
||OM|| = r
Ainsi, l’information est le sens associé à un énoncé encodé à partir de signes & symboles. Définition #2 Le jeu de symboles et les règles pour encoder un énoncé constitue un langage.
Information, concept et pensée?
« Par le nom de pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous, que nous en sommes immédiatement connaissants. Ainsi toutes les opérations de la volonté, de l'entendement, de l'imagination et des sens, sont des pensées.» - René Descartes
René Descartes au XVIIème siècle, Klee Irwin au XXIème et bien d’autres utilisent les termes ‘pensée’ et ‘information’ de façon interchangeable. ‘Pensée’ est aussi un terme que nous pourrons parfois utiliser à la place d’‘information’, bien que le premier pût avoir une connotation trop anthropomorphique selon nous.
Ainsi, que vous désignez tout ce qui est tellement en vous et dont vous êtes immédiatement connaissants par ‘information’ ou ‘pensée’ ne sera ici pas très important. Ça ne le sera pas aussi parce cette question linguistique, voire philosophique, a déjà été très bien traitée : Locke, Gottlob Frege, David Kaplan, Ruth Garrett Millikan, François Recanati[13]: ‘Y a-t-il une pensée sans langage ? Penser avec ou dans le langage?’. Prenons quelques minutes pour vous donner un éclairage à ce sujet.
Avicenne (980-1037) écrivit dans ‘Logique’ « La raison ne peut pas composer les pensées sans proférer des mots pour les accompagner», auquel Darwin sembla faire écho dans ‘Descendance de l’homme’: «on ne peut pas plus poursuivre une pensée prolongée et complexe sans l’aide des mots, parlés ou non, qu’on ne peut faire un long calcul sans l’emploi des chiffres ou de l’algèbre». A l’opposé, Kaplan pense que «tout ce qui peut être exprimé au moyen du langage était déjà, pré-linguistiquement, un objet de pensée possible» et Gottlob Frege en 1924, dans les ‘Sources de la connaissance mathématique’: «il faut distinguer l’énoncé en tant qu’expression de la pensée et la pensée elle-même. On sait qu’il peut y avoir plusieurs façons d’exprimer la même pensée. Le lien entre la pensée et l’énoncé qui l’exprime n’est donc pas un lien nécessaire ».
Malgré tous ces paradoxes, François Recanati18 réussit fort bien à identifier une solution (la solution ?) : on ne peut déployer dans sa pensée que les concepts que l’on possède; donc on ne peut pas y déployer les concepts qui nous manquent. Mais à un concept plein ou référent, peuvent être associés plusieurs autres concepts, plus ou moins vagues et confus. Ainsi, comme l’écrit Ruth Millikan : « la seule possession d’un mot peut suffire pour penser à son référent». Les concepts sont compris comme des dossiers mentaux destinés à recueillir les informations sur le référent. Ces dossiers sont alimentés par des dispositifs de collecte d’information permettant de lier ensemble et d’exploiter une pluralité de signes [et de symboles] censés pointer dans la même direction et se rapporter tous à la même entité.» Il n’a donc pas d’indépendance entre pensée et langage. Les étiquettes linguistiques (les mots d’un langage) permettent de posséder des concepts plus ou moins vagues et ainsi de déployer une pensée.
Ici pour cet essai, ‘énoncés’ et ‘concepts’ sont identiques; ce sont des dossiers mentaux selon François Recanati ou Ruth Millikan. Il leur faut un langage pour les exprimer, les formuler, les étiqueter. L’information ici sera plutôt associée au concept plein ou référent des linguistes. Et la faculté de conscience (englobant la faculté de penser) transforme l’énoncé / concept en signification / information, en liant ensemble et en exploitant la pluralité de signes, symboles, énoncés ou concepts.
Ici aussi, il n’y a pas de pensée sans langage, dans le sens où toute information / pensée est l’interprétation d’un énoncé formulé dans un langage. Mais la pensée est indépendante du langage dans le sens où l’information / pensée peut être associée à plusieurs énoncés, formulés dans plusieurs langages. Comme dans l’exemple donné un peu plus haut:
« Ceci est une sphère de rayon r »
« x2 + y2 + z2 = r2 »
||OM|| = r
Information peut signifier un simple ordonnancement
Dans une telle approche rigoureuse, quasi cartésienne, de la Réalité, il est important de ne pas projeter le moindre anthropomorphisme sur les définitions ou axiomes de la théorie. En l’occurrence, comme l’information est, selon notre définition, la signification correspondante à tout énoncé construit dans le langage retenu, cette signification n’est pas forcément celle donnée par une conscience humaine. Le sens de l’énoncé, c’est-à-dire la relation qu’il établit entre les symboles, peut être un ‘simple’ ordonnancement.
Prenez l’énoncé « 1 2 3 4 5 6 … ». Il ne s’agit pas forcément de l’information « un enfant apprend à compter, donc à mettre les chiffres dans le bon ordre ». Il peut s’agir d’une relation que les lois de la Nature ont déjà établie : « avoir deux branches nécessite plus d’énergie qu’en avoir une seule; avoir trois branches en nécessite plus que deux seulement… »
Ou prenez l’énoncé « chaque atome carbone (C) de l’ensemble est fermement lié à 4 voisins proches (des atomes de carbone), l’ensemble constituant un cristal d’une très grande dureté », en langue française, énoncé similaire à ceci, en langage graphique et géométrique:
Atomes de carbone (C) organisés en cristal
Le sens premier[14] de ces deux énoncés est l’ordre cristallin que s’est donné l’ensemble d’atomes de carbone. L’information signifie l’ordre, là où les symboles, les caractères, C, utilisés seuls (les atomes de carbone laissés seuls, sans liaison, sans ordre) signifieraient désordre, chaos ou … entropie. L’information est l’opposée de l’entropie.
L’entropie a été découverte en 1865, à partir des acquis de la révolution scientifique et des Lumières. Elle caractérise le niveau de désorganisation, ou d'imprédictibilité du contenu en information d'un système. Lorsque les choses suivent leur cours naturel, l’univers semble doter d’une loi qui conduit davantage à leur désorganisation qu’à leur arrangement : une tasse de thé finit par tomber et se casser, une maison non entretenue finit par devenir inhabitable, le corps d’un être vivant finit par redevenir poussières d’étoile.
L’entropie d'un système isolé (comme un gaz dans une bouteille fermée) ne peut qu'augmenter ou rester constante puisqu'il n'y a pas d'échange de chaleur avec le milieu extérieur. L'entropie d'un système ouvert, non isolé (comme votre corps physique) peut diminuer mais au détriment alors de l'entropie du milieu extérieur qui, elle, augmente de façon plus importante, le bilan entropique étant toujours positif (ou nul si la transformation est réversible). La loi de l’entropie amène tout système à évoluer spontanément vers un nombre de configurations possibles de plus en plus grand, sans que l’on puisse savoir dans laquelle il se trouve […] C’est la loi de l’accroissement de l’incertitude, de l’imprévisibilité.[15]
L’information est l’opposée de l’entropie; pour cette même raison, elle est parfois appelée néguentropie. D’un côté, vous avez donc des éléments physiques au sein de l’Univers observable qui tendent naturellement vers le désordre, la désorganisation – les étoiles finissent par être absorbées par les trous noirs, l’eau s’évapore, les feuilles de l’arbre tombent -. De l’autre côté, les symboles ou caractères s’organisent, du vide quantique émergent des protons (ces structures organisées, composées d’éléments du vide), et à partir des protons/atomes/molécules a pu émerger la vie, organisation d’un niveau encore plus complexe. D’ailleurs la vie est l’exemple même de l’information (de l’ordre, de l’ordonnancement) cherchant à se maintenir en se dupliquant, en faisant des copies d’elle-même, en se reproduisant.
La Réalité semble être le siège de l’affrontement entre deux forces antagonistes :
· l’information, l’arrangement, la vie et l’ordre à partir des éléments du Vide d’une part ;
· l’entropie, la tendance à la désorganisation et la mort d’autre part.
Et déjà apparaissent aussi deux facettes de la Réalité, dont l’une va continuer de s’effacer (et de vous surprendre !) :
· la facette physique : par exemple les nombreux atomes de matière carbonée (C) qui, lors des premières centaines de milliers d’année de notre Univers, étaient isolés, tout jeunes, sans liaison (covalente[16]) ;
· la facette immatérielle (et informationnelle) : une force, une faculté peut réussir à organiser ces atomes de carbone en un ensemble cristallin d’une très grande dureté : le diamant. Cette organisation, cet ordonnancement est une information, un énoncé à la signification toute simple : l’ordre (ordo ab chaos).
Avez-vous entendu parler de l’information quantique?
Ouvrons tout de suite une parenthèse : il est de plus en plus question, en théorie de l’information et maintenant dans la presse spécialisée, d’information quantique. Ajouter ‘quantique’ est un abus de langage pour les uns, un degré de liberté de plus pour les autres. On l’a vu : l’information est un énoncé et la signification associée, que le code utilisé pour l’exprimer soit binaire, quantique, géométrique ou en langage des oiseaux.
Ce qu’il faut donc retenir à propos de l’information quantique, c’est qu’énoncer quelque chose en utilisant le code quantique (des qubits à la place de bits) peut être plus efficace, plus performant, plus synthétique dans certains cas. Un qubit ou qu-bit (quantum bit) est l'état quantique qui représente la plus petite unité de stockage de l’Information quantique; il est aussi représenté par la sphère de Bloch :
Un bit classique se trouve toujours soit dans l'état 0 |0>, soit dans l'état 1 |1>. Dans le cas général, un qubit se trouve dans une superposition de ces deux états, que l'on peut décrire par une combinaison linéaire des deux états : a|0> + b |1>. Les coefficients a et b étant deux nombres complexes vérifiant la relation de norme a2 + + b2 = 1.
Ça peut vous sembler abscons, mais c’est un code ou un langage très pratique pour encoder des événements relatifs au monde quantique. Par exemple, pour vous communiquer l’information relative à l’expérience du Chat de Schrödinger, nous pourrions l’encoder en langue française : « un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une source radioactive. Si un compteur Geiger détecte un certain seuil de radiations, le flacon est brisé et le chat meurt. Selon l'interprétation de Copenhague (de la physique quantique), le chat est à la fois vivant et mort. Pourtant, si nous ouvrons la boîte, nous pourrons observer que le chat est soit mort, soit vivant. »
Nous pouvons aussi encoder cette information en un code à base de qubits (quantum bits),
ou en langage pictural, avec l’énoncé ci-dessous dont il faudra remercier l’auteur et artiste :
Le code quantique est bien-sûr important, mais ce ne sera pas le langage que vous utiliserez le plus. Vous ne l’emploierez peut-être même jamais. A moins que vous souhaitiez communiquer que ‘vous vous sentez comme un mort-vivant sans avoir pris néanmoins la place de Kim Jung-Un’, que ‘l’une de vos connaissances est nulle part et partout à la fois’ ou ‘vous aimeriez vous téléporter sur une exoplanète pour y vivre quelques semaines, puis revenir sur Terre pour rester auprès de vos proches jusqu’à la fin de leurs/vos jours.’
Fermons la parenthèse de l’information dite quantique, c’est-à-dire des énoncés qu’il peut s’avérer plus efficace, dans certains cas, de coder en qubits, avec moins de mots ou moins de symboles.
Il existe aussi de l’information dite holographique
Vous avez évidemment retenu: l’information ici est le sens associé à un énoncé encodé à partir de signes & symboles ; un ensemble de données - caractères, symboles ou bits - ne devient information que lorsqu’un sens lui est associé.
L’énoncé ‘1 10 11 100 101’ ne devient information que lorsque le sens ‘Il y a 1, 2, 3, 4 et 5 doigts dans une main’ lui est associé.
L’énoncé ‘ a|0> + b |1> ‘ ne devient information que lorsque le sens ‘le chat est mort si |0> ‘ et ‘le chat est vivant si |1>’ lui est associé.
Ainsi, nous indiquions que l’information quantique est un raccourci, voire un abus de langage, tout du moins dans le cadre de cette théorie: l’information - c’est-à-dire la signification associée à l’énoncé - n’est pas quantique, c’est une signification, point. Par contre l’énoncé sous-jacent est formulé en utilisant la notation de Dirac, support de la physique quantique.
Comme nous allons le voir, il en est de même pour l’information holographique. Au départ, le concept holographique signifie que l’image (graphique) du Tout (holo) est présente partout. L’holographie est la technologie qui permet de capturer une image sur une surface photosensible (par exemple une plaque de verre), de sorte que les informations tridimensionnelles de l’image soient conservées et soient visibles comme si l’on regardait l’objet réel. Cela diffère d’une photographie ordinaire pour laquelle l’image capturée est dans ce cas bidimensionnelle, donc plate. La photographie habituelle d’un ballon dirigeable montre une seule vue du ballon, tandis que son image holographique permet à l’observateur de regarder d’un côté du ballon, puis de l’autre et de l’incliner de haut en bas pour voir le dirigeable sous de nombreux angles, comme s’il était réellement là.
La différence entre une photographie et une holographie (ou hologramme comme on l’appelle habituellement) est que, là où une photographie capture une image avec seulement un ratio d’information de un pour un à chaque point de la zone de l’image photographique, un hologramme inclut toutes les informations visibles de l’objet en chacun des points de la zone de l’image qu’il capture. L’image entière du ballon dirigeable (c’est-à-dire l’ensemble de ses informations) est contenue en chaque point de l’image holographique, au lieu qu’un seul et unique point de l’image du ballon ne soit contenu que dans un unique point de l’image photographique.
Voilà pour l’holographie ou l’hologramme. Mais ici, il s’agit moins d’hologramme que de principe holographique. Gerard 't Hooft proposa en 1993 une conjecture spéculative, que Leonard Susskind améliora en 1995, et qui se résume ainsi :
« La quantité maximale d'informations contenues dans un volume d'espace ne peut être plus importante que celle qui est emmagasinée à la surface de ce volume, où une quantité élémentaire ou «bit» d'informations occupe quatre surfaces dites de Planck. »
Les deux physiciens se sont appuyés sur la preuve de Bekenstein qui a montré que c’est en fait la surface qui détermine la quantité totale d’informations accessibles, contenues dans n’importe quelle région de l’espace-temps. Comme si toutes les informations accessibles de chaque objet de l’univers étaient imprimées de manière holographique sur sa surface… Par exemple, un ballon dirigeable et tous les événements qui ont lieu à l’intérieur pourraient être modélisés complètement par une théorie qui prendrait en compte uniquement ce qui se passe au niveau de la toile du ballon. Ainsi, certains auteurs – chercheurs désignent par ‘information holographique’ les données échangées à la surface du volume d’espace considéré.
Ces théories modélisent le fait que les données constituant des énoncés à l’intérieur d’un objet de l’espace à trois dimensions sont équivalentes aux données holographiques imprimées et échangées à la surface à deux dimensions du même objet. Et dans les deux cas, l’information est la même, c’est-à-dire la signification donnée à l’énoncé. Nous y reviendrons plus loin.
Intermède #1 : petite leçon de géométrie Le tétraèdre est le polyèdre régulier composé de 4 faces triangulaires (alors que la pyramide a une face carrée et 4 faces triangulaires), de 6 arêtes et de 4 sommets. Il est l'un des cinq solides de Platon. Le ‘tétraèdre’ et les deux patrons pour le fabriquer Recherchez les symétries du tétraèdre (par exemple faites le tourner autour d’un axe de rotation de façon à retrouver le tétraèdre initial); combien en trouvez-vous ? Il y a 24 isométries laissant le tétraèdre régulier invariant (l’ensemble des 24 est un groupe isomorphe au groupe symétrique S4). Paul Serusier, Tétraèdres La molécule de méthane
Que le langage utilisé pour encoder les énoncés soit binaire, quantique ou holographique, l’information reste la signification associée à ces énoncés : i) par exemple l’ordonnancement d’atomes pour former un cristal ou une molécule, ii) par exemple la mémorisation de cette organisation au fil des temps et sa transmission grâce à la reproduction (la vie) ; iii) par exemple des pensées constructives, le partage de sentiments ou des décisions…
Et la signification associée à ces énoncés, quand il y en a une, s’appuie sur un prédicat ou sur un opérateur, c’est-à-dire sur un élément de la proposition par lequel est exprimé ce qu’il y a à dire, décider, opérer ou observer.
Considérez les énoncés suivants, en langue française
« Notre Univers observable est issu du Big Bang il y a 13,76 milliards d’années »
« La Terre est ronde (sphérique) et tourne autour de son étoile le Soleil »
« Eureka ! »
« Non mais allo quoi ? »
Le prédicat des trois premiers est le verbe ou le verbe suivi de l’adjectif: ‘est issu du Big Bang’, ‘tourne autour’, ‘est ronde’ et ‘Eureka’ (j’ai trouvé) donnent tout le sens de l’énoncé. Dans le quatrième, il n’y a justement pas de prédicat…
Considérons maintenant des énoncés de nature mathématique, géométrique, chimique:
« L’énergie des particules est équivalente à leur masse au repos » : E = mc2
« 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 5.»
Le prédicat est le signe ‘=’, ‘+’ ou ‘->’ (l’opérateur + n’ayant pas exactement la même signification dans un énoncé d’arithmétique ou de chimie). Et le sens de l’énoncé, porté par le prédicat, est universel : égaler, impliquer (la cause implique un effet), additionner …
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En résumé de cette première Méditation, se former et s’in-former, c’est être capable de donner du sens aux énoncés reçus, transmis ou mémorisés. Et c’est contribuer au maintien de la relation entre les énoncés - successions de données, caractères & symboles - et leur signification.
Concernant nos questions intimes et existentielles en toile de fond, (« Qui suis-je », « Où vais-je ? », « Y a-t-il quelque chose après cette vie ? ») cette première méditation apporte un premier élément : que vous soyez corps et esprit seulement, ou avec une âme de surcroît, ce qui vous a formé, vous formera et continuera de vous transformer, c’est de l’in-formation.
L’information construit votre corps, elle enrichit votre monde intérieur, et probablement aussi votre âme. Elle permet par ailleurs de bâtir d’autres relations signifiantes à partir de celles reconnues comme telles par les générations d’avant.
Vous vous dites néanmoins que nous sommes encore loin de toute proposition de réponse aux questions existentielles « Qui suis-je ? Où vais-je? Y a-t-il une vie après la vie?». Le chemin choisi pour vous y amener vous semble elliptique, détourné, un peu longuet, mais, rassurez-vous, l’effort demandé sera profitable.
Ainsi vous avez vu que seule la (véritable) information (un énoncé ayant une signification) contribue à la bonne formation (de votre corps, de votre esprit, de votre monde intérieur). Mais pour ça, il vous faut apprendre à lire et écrire: reconnaître et formuler des prédicats, les véritables porteurs de sens.
Alors? Alors quels sont les langages qui vous ont formé et qui continuent de donner du sens aux données que vous recevez, mémorisez ou transmettez ?
Voyons la deuxième méditation.
[1] Dualistes pour tout d’ailleurs (voire duellistes): le corps vs l’esprit, le bien vs le mal, la gauche vs la droite, le beau vs le laid. Le riche vs le pauvre… [2] Pierre Dac répondait: «En ce qui me concerne personnellement, je suis moi, je viens de chez moi et j’y retourne». Et Pierre Desproges écrivait que ces trois questions étaient : « Où est dieu ? Que fait la police ? Quand est-ce qu’on mange ? » Devant tous ces Pierre(s), vous aurez l’impression d’être face à un mur… [3] Friedrich Nietzsche, ‘Le Gai Savoir’ : « Dieu est mort » (1882) [4] En fonction de l’expérimentation, la matière se comporte soit en onde avec ses interférences, soit en particule sans interférence. [5] Et oui, non seulement l’Univers continue de croître, mais son expansion est en accélération. Il croît de plus en plus vite. Les galaxies s’éloignent de la nôtre en accélérant. [6] Baptiste Morizot, ‘Manières d’être vivant’, (2020) [7] Vous pourriez vous demander ce qu'affiche le pèse-personne lorsque vous ‘grimpez’ dessus : la masse correspondant aux 5% ou celle des 5+27% ? [8]https://www.defense.gouv.fr/content/download/541267/9279617/Les_manipulations_de_l_information.pdf [9] L'ontologie dans son sens le plus général s'interroge sur la signification du mot «être». «Qu'est-ce que l'être?», est une question considérée comme première. [10] Voir les références en fin d’ouvrage [11] En binaire, 1 se code 1, 2 se code 10, 3 se code 11, 4 se code 100, et 5 se code 101 [12] La langue des oiseaux est l’étude des sens cachés des mots. Elle permet de saisir et comprendre les sens profonds d’un mot, d’une identité, d’une pathologie, d’un concept… [13] https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2018/symposium-2018-10-19-09h30.htm [14] Le sens premier est cet ensemble cristallin et organisé d’atomes de carbone ; un sens second, donné par les êtres humains, est le diamant. [15] Robert Branche, ‘Les radeaux de feu’, page 35 [16] Une liaison covalente est une liaison chimique dans laquelle deux atomes se partagent deux électrons d'une de leurs couches externes afin de former un doublet d'électrons liant les deux atomes.
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